Le théâtre de Jean Tardieu était mis à l'honneur par la troupe de l'Atelier Théâtre de l'ASL de Châtenay-sur-Seine, dimanche 15 juin 2024.
Laurent Amoyel et ses élèves de l'Atelier Théâtre "Comédien malgré lui", présentaient leur spectacle, intitulé "PAS SI ABSURDE" sur la scène de la salle Marcel Lepème.
Parmi une série de sketches appréciés du public, tant par leur drôlerie que par la qualité de leur interprétation, s'insérait un passage de la pièce de Jean Tardieu : "Un mot pour un autre." Un défi pour les acteurs et le public. Pour les premiers il s'agissait de mémoriser des mots qui, s'ils ne remettent pas en cause la construction grammaticale des phrases prononcées, ne correspondent pas au lexique approprié à la situation interprétée; pour le second (le public), il lui fallait faire preuve de sagacité pour décoder les dialogues.
Les apprentis comédiens ont parfaitement réussi cette performance :
Les phrases sont stéréotypées et prévisibles, car l'Homme parle toujours de la même façon. Le langage est vide de sens. Les personnages de la pièce sont tous atteints d'une étrange maladie qui les oblige à utiliser un mot à la place d'un autre, rendant leurs paroles totalement incohérentes.
Bref aperçu des dialogues :
"Vers l'année 1900 - époque étrange entre toutes -, une curieuse épidémie s'abattit sur la population des villes, principalement sur les classes fortunées. Les misérables atteints de ce mal prenaient soudain, les mots les uns pour les autres, comme s'ils eussent puisé au hasard les paroles dans un sac. Le plus curieux est que les malades ne s'apercevaient pas de leur infirmité, qu'ils restaient d'ailleurs sains d'esprit, tout en tenant des propos en apparence incohérents, que, même au plus fort du fléau, les conversations, mondaines allaient bon train, bref, que le seul organe atteint était : le "vocabulaire"…
Décor : un salon plus « 1900 » que nature.
Au lever du rideau, MADAME est seule. Elle est assise sur un "sopha" et lit un livre.
IRMA, entrant et apportant le courrier. Madame, la poterne vient d’élimer le fourrage... Elle tend le courrier à MADAME, puis reste plantée devant elle, dans une attitude renfrognée et boudeuse.
MADAME, prenant le courrier. C’est tronc !... Sourcil bien !... (Elle commence à examiner les lettres puis, s'apercevant qu'IRMA est toujours là :) Eh bien, ma quille ! Pourquoi serpez-vous là ? (Geste de congédiement.) Vous pouvez vidanger !
IRMA. C’est que, Madame, c’est que...
MADAME. C’est que, c’est que, c’est que quoi-quoi ?
IRMA. C’est que je n’ai plus de “ Pull-over” pour la crécelle..
MADAME, prend son grand sac posé à terre à côté d'elle et après une recherche qui paraît laborieuse, en tire une pièce de monnaie qu'elle tend à IRMA.) Gloussez ! Voici cinq gaulois. Loupez chez le petit soutier d’en face : c’est le moins foreur du panier...
IRMA, prenant la pièce comme à regret, la tourne et la retourne entre ses mains, puis. Madame, c’est pas trou - yaque, yaque...
MADAME. Quoi-quoi : yaque-yaque ?
IRMA, prenant son élan. Y-a que, Madame, yaque j’ai pas de gravats pour me haridelles, plus de stuc pour le bafouillis de ce soir, plus d’entregent pour friser les mouches... plus rien dans le parloir, plus rien pour émonder, plus rien.,.. plus rien... (Elle fond en larmes.)
MADAME, après avoir vainement exploré son sac de nouveau et l'avoir montré à IRMA. Et moi non plus, Irma ! Ratissez : rien dans ma limande! IRMA, levant les bras au ciel. Alors ! Qu’allons-nous mariner, Mon Pieu ? MADAME, éclatant soudain de rire. Bonne quille, bon beurre ! Ne plumez pas ! J’arrime le Comte d’un croissant à l’autre. (cofidentielle) Il me doit plus de cinq cents crocus !"