LA REPUBLIQUE D'EYSSES

Jean Lafaurie, ancien résistant, raconte un épisode de son séjour au Centre de détention d'Eysses à Villeneuve-sur-lot, avant d'être déporté au camp de concentration de Dachau le 30 mai 1944.

Cet épisode était interprété par la Compagnie ERRANCE, dans une mise en scène de Maud Dhénin, sur la scène de la salle Dulcie September, à Nangis, vendredi 14 avril 2023.

La prison d'Eysses sous le régime de Vichy

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le centre de détention devient le lieu de rassemblement le plus important de prisonniers politiques condamnés par le régime de Vichy pour « menées communistes, terroristes, anarchistes ou subversives ».

En , il reçoit la majeure partie des détenus politiques venant de l'ensemble de 24 prisons en majorité de la zone Sud.

Les mois suivants arrivent des détenus de la zone nord, si bien que le , l'établissement devient — avec 1430 détenus — « à 90% une prison de résistants ».

Les détenus politiques s'organisent autour d'un comité issu du Front national, organisation de la Résistance intérieure française et obtiennent rapidement de la direction le régime politique de détention, plus souple. Ils éditent des journaux, Le Patriote enchaîné et L'Unité. Ils parviennent à cacher des armes et constituent un bataillon FFI clandestin, le « bataillon d'Eysses ».

La bataille d'Eysses

Le , une bataille est déclenchée à l'occasion de la visite de l'inspecteur général des prisons :

 1 200 résistants de 23 nationalités, détenus dans ce site se rendent maîtres des lieux dans l'espoir de gagner les maquis du Lot-et-Garonne.

Ils font prisonnier le directeur de la centrale, un dénommé Chivot ou Schivo, milicien, ami de Joseph Darnand, secrétaire général au Maintien de l’ordre de Vichy, ainsi que 70 gardiens et membres du personnel.

Dans sa première phase, l'opération est une réussite mais à 17 heures l'alerte est donnée par des prisonniers de droit commun.

 Les Groupes mobiles de réserve (GMR) interviennent ainsi que l'artillerie allemande et après plus de treize heures de lutte, les prisonniers se rendent après avoir obtenu l'assurance du directeur de la centrale qu'il ne serait pas exercé de représailles.

Darnand se rend sur place et ordonne la tenue d'une cour martiale

Le 23 février, à 6 heures, 12 « mutins » sont condamnés à mort et fusillés à 11 heures, par un peloton de gardes mobiles.

Joseph Darnand avait demandé 50 têtes en représailles de l'insurrection.

Le , 1 121 prisonniers sont livrés par l'État français à la division SS Das Reich qui les conduit à la gare de Penne pour les déporter jusqu'au camp de Royallieu à Compiègne 3 jours durant puis 3 autres jours vers Dachau, par les convois du 18 juin et du 2 juillet ; 400 meurent durant les transports ou dans les camps. Parmi ces déportés se trouvait Georges Charpak, arrêté en 1943 pour activités de résistance et condamné à deux ans de prison. 

Le mur des fusillés a été inscrit au titre des monuments historiques en 1996 et a été classé en 2022. Une cérémonie commémore cet événement chaque année fin février.  


Jean Lafaurie, protagoniste de ces événements

Né le 30 novembre 1923 dans le département du Lot, il est baigné dès son plus jeune âge dans le courant politico-syndical. Très vite les mots "solidarité" et "engagement" font sens pour lui.

A l'aube de ses 18 ans il rejoint l'Organisation secrète. Il assure la responsabilité des publications, informations et distributions de tracts et journaux.

Afin de lutter contre l'envahisseur hitlérien soutenu par le régime de Vichy, il s'engage aux côtés des résistants du groupe "GUY MÔQUET".

Dénoncé par la collaboration il sera arrêté en juillet 1943 pour motif de subversion, détention d'armes à feu et munitions. Il sera successivement incarcéré dans les prisons de Tulle, Limoges et Eysses, avant d'être déporté au camp de Dachau le 30 mai 1944.

L'insurrection de Février 1943 s'achèvera par l'exécution de douze fusillés et la déportation de 1200 détenus. Lui et ses camarades encore en vie, seront libérés fin avril 1945, par les troupes américaines. 


Dans son parcours de passeur de mémoire, Jean a souhaité partager les temps forts de cet épisode de sa vie et de celui de ses camarades, de leur résistance quotidienne contre l'assaillant.

Ces ses textes mis en scène par Maud Dhénin et interprétés par la Compagnie ERRANCE qui ont été proposés au public sur la scène de la salle Dulcie September, afin de mieux percevoir le contexte de cette époque, ainsi que la réalité quotidienne vécue dans cette prison.